Lagos

Par Germaine EWODO AYENE

Dès mon arrivée à l’aéroport international Murtala-Muhammed à Lagos, un service de protocole m’attendait pour me conduire à mon lieu de résidence. Il faisait nuit et je distinguais à peine les lieux que nous traversions. Il faut avouer que je conversais avec ceux qui venaient de m’accueillir. Au-delà des mots de Bienvenue et des questions de routine telle « Avez-vous effectué un bon voyage? » nous parlâmes d’autres choses. Je leur affirmai que les membres de ma famille se portent bien.

Ma résidence était grande et très belle. Les ampoules avaient été allumées dans toutes les pièces de l’appartement. J’en conclus qu’on voulait sans doute me permettre de vite trouver mes repères. Seulement voilà! Je me couchai en laissant tout en l’état, ne sachant pas où se trouvaient les interrupteurs. Ils étaient encastrés dans les murs et invisibles aux yeux du visiteur non averti que j’étais. Par peur du ridicule, je m’abstins de demander de l’aide aux gardiens. À mon réveil, le cuisinier, avec un sourire de Bienvenue, me fit cette remarque: « Madame, avec la fatigue du voyage, vous avez oublié d’éteindre les lumières. » Je lui souris. À peine avait-il achevé sa phrase que je le vis appuyer son index contre le mur et comme par magie, la lumière s’éteignit. Il fit ainsi, pièce après pièce. Il venait de me tirer d’affaire.

Le petit déjeuner à peine avalé, le service du protocole était là pour me conduire dans les bureaux où j’étais attendue. Le bureau du Directeur Général dans lequel je pris place était somptueux. Après quelques paroles d’échanges, je fus informée du déroulement de ma journée. Ensuite, il me présenta à quelques membres du personnel. Je me sentis très honorée en entendant les mots qu’il prononça à mon égard. Le service du protocole à ma disposition depuis mon arrivée se renforça.

Un planning avait été mis en place pour mon séjour et j’avais été informée que je pouvais y apporter des modifications. Au fur et à mesure que je parcourais les lignes du planning, ma tête s’alourdissait de fierté. Est-ce cela qu’on appelle: « Prendre la grosse tête? » Je rajustai un pan de ma robe pour reprendre mes esprits afin de ne pas m’éloigner de moi-même.

Ce matin-là, je portais une très belle tenue africaine en Tissu brodé. La cheffe du service protocole me complimenta et ensuite me fit une remarque étonnante: « Lorsqu’on voit la façon dont vous avez noué votre foulard , on sait automatiquement que vous n’êtes pas Nigériane. » J’écarquillai les yeux et, la main gauche posée sur mon foulard, je formulai avec humour : « Cela se voit donc tant que ça? » Elle sourit et moi aussi. L’atmosphère un peu crispée se détendit.

Dans la voiture qui nous conduisait, on parla de foulards , particulièrement du célèbre gele qui n’est pas facile à nouer. On aborda également d’autres sujets parmi lesquels le cinéma. Je fis allusion à Ositha Iheme, cet acteur Nigérian, si drôle, qui a de nombreux fans au Cameroun. Après ces échanges, mon regard se porta sur Lagos et sa population; ces hommes, ces femmes et ces enfants que nous rencontrions le long des rues.

Lagos est une ville à très forte densité. Je le constatai par moi-même. Les embouteillages y sont légions. À certains endroits, les voitures ne sont pas les seules à vouloir se frayer un chemin. Il arrive aussi très souvent aux piétons la difficulté d’avancer sereinement. Dans la foule compacte, la vigilance s’impose. Ne surtout pas se retourner si un inconnu vous frappe à l’épaule. C’est une règle d’or à respecter …absolument! Le véhicule avance et, dans les zones embouteillées, je scrute les visages des piétons.

Sur les visages qu’on croise dans la rue, on lit un rêve, une préoccupation, une course vers un objectif précis, un appel à la réussite, un échec vaincu, une envie de redoubler d’efforts, un départ vers le succès, un espoir insistant, un courage à en revendre, etc. Il n’y a pas de visage en page blanche à Lagos; pas de visage dépourvu de message. A Lagos, il n y a pas un seul visage muet. C’est une ville de bruits de pas, de paroles, de cris, de courses, de bruits de moteurs, de sons en tout genre; une ville où le temps mort n’existe pas. Lagos est bruyant et grouillant de monde.

J’ai foulé le sable chaud des plages de Lagos. J’ai visité une très grande et belle salle de spectacle avec un carré VIP très spécial. Pour la sécurité des autorités, les sièges avaient, paraît-il, la particularité de descendre en un seul mouvement dans le sous-sol en cas d’incident. Les restaurants sélectionnés à mon attention avaient un service de haute qualité. Je feignis de n’être pas surprise. Je devais rester à la hauteur de la grande estime dont j’avais été vêtue.

Après une semaine environ passée à Lagos, toujours accompagnée par le service du protocole, je fis des courses ça et là pour ramener quelques souvenirs aux miens.

Ma spontanéité au fil des jours avait réussi à fissurer les murs épais du protocole. Sous des étreintes africaines et chaleureuses, je quittai Lagos avec un pincement au cœur.

Lagos n’est pas une ville qu’on regarde derrière des écrans. Il faut la toucher du doigt. À Lagos, le monde du Luxe côtoie celui de la pauvreté. Parfois ces mondes se chevauchent, faisant basculer des personnes d’un côté comme de l’autre. À Lagos, la résilience est l’art de vivre le mieux partagé. Si les Nigérians sont si courageux et entreprenants, c’est parce qu’ils savent mieux que quiconque ceci : « Nothing in this life is permanent! »

Savez-vous nouer « le gele » du Nigeria?

La bouche ne dit pas tout ce que les yeux voient.
Les proverbes et dictons nigérians (1882)

4 réponses à « Lagos »

  1. Avatar de Marie Madeleine Roth
    Marie Madeleine Roth

    Your description about Lagos is amazing. You have the gift to write.

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    1. Thanks a lot for the compliment! Have a nice week!

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  2. Une visite au Nigeria avec Germaine, c’est un très beau voyage .

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    1. Je suis contente de vous avoir offert un tel voyage! Je vous souhaite une Excellente semaine.

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